• Les autres.




    Delambre / Le canard enchaîné / 27 février 2019


    Je n'aurais jamais cru avoir un aussi gros atome crochu avec Martine Aubry.
    Moi-même je me souviens avoir été "oublié" lors des invitations à une réunion.
    Je n'avais d'ailleurs aucune envie d'y aller et cela ne me dérangeait pas du tout.

    Un de mes collègues de travail m'avait alors dit
    " – Je ne comprends pas qu'on ne t'ait pas invité, je l'ai dit à l'organisateur ".
    Je lui avais alors répondu
    " – Moi non plus je n'ai pas apprécié la chose.
    J'aurais tellement aimé décliner l'invitation
    ".

    C'est un peu comme lorsque je passe la caisse d'un supermarché.
    Le moment que j'attends alors avec impatience c'est le
    " – Vous avez la carte Super Zwing du magasin ? "
    " – Non "
    " – Vous ne la voulez pas ? "
    " – Non "
    Une double jouissance.


    Osez le NON !


    " – Allongez-vous et parlez-moi de votre mère "
    – Le psy –


    Depuis je me suis rendu compte que je n'étais pas un cas isolé.


    Ça a débuté comme ça
    Voyage au bout de la nuit
    – L.-F. Céline –



    J'aime pas les autres
    Jacques A. Bertrand


    Comment je me suis fâché avec tout le monde, je ne sais plus très bien.
    Longtemps j'ai cru aimer les autres.
    Peut-être que je croyais les aimer parce que je voulais qu'ils m'aiment.
    Vous voulez toujours que les autres vous aiment.
    Enfin vous croyez.

    C'est des gens bizarres, les autres.
    Vous pensez qu'ils sont comme vous.
    Et pas du tout.
    Ils sont comme les autres.

    J'aime pas les autres.





    -+-

    Ça vous donne envie de lire la suite ?


    6 commentaires


  • Ça a débuté comme ça
    Voyage au bout de la nuit
    – L.-F. Céline –




    Bonne vie et meurtres
    Fred Kassak


    La sonnette surprit Alexandre Lethouar au moment où,
    pour la troisième fois de la nuit,
    il essayait d'infliger à l'épouse de son directeur des outrages raffinés,
    et où, enfin,
    elle allait s'y prêter de bonne grâce
    en manifestant les plus ingénieuses dispositions.

    La femme du directeur s'évanouit et,
    pour Lethouar, éveillé en sursaut,
    les choses ne furent plus que ce qu'elles étaient:
    un plafond craquelé,
    un papier de mur pisseux,
    une chambre en désordre,
    un cendrier plein de mégots,
    une odeur de cigare froid
    et une pendulette arrêtée.

    Lethouar graillonna des jurons
    où les maisons de tolérance étaient associées au nom du Seigneur.
    La sonnette retentit à nouveau,
    et Lethouar émit le vœu
    que le Malin s'adonne sur la personne sonnante
    à des pratiques contre nature.
    Puis il se souvint que l'on était samedi,
    que la sonneuse était la femme de ménage,
    et qu'il n'y avait aucun espoir
    de voir le Malin se dévouer à ce point-là.

    Il se leva en grimaçant,
    chaussa d'une main ses savates et de l'autre ses lunettes,
    enfila sa robe de chambre
    et alla ouvrir.

    – Bonjour monsieur Lethouar. Vous allez bien ?

    Lethouar marmonna n'importe quoi
    en se livrant à des réflexions sur la valeur sémantique du mot "femme".
    Que ce terme pût désigner
    aussi bien cette Georgette Larigaut que l'épouse de son directeur
    était pour lui une source d'étonnement sans cesse renouvelé.

    Georgette entra et se dirigea vers la cuisine.
    Elle venait tous les samedis matin depuis deux mois.
    Depuis deux mois, en la faisant entrer,
    Lethouar la déshabillait machinalement des yeux
    – ainsi qu'il avait accoutumé de faire avec les femmes qu'il voyait.
    Décidément, non, rien à tirer de celle-là.
    Ses jambes ne semblaient faites que pour marcher.
    Les fesses présentaient le même aspect platement utilitaire.
    Les seins manquaient de présence.
    Quant à la tête
    – qu'il considérait de toute façon chez les femmes
    comme un appendice d'intérêt accessoire –
    tout y avait aussi un caractère fonctionnel.
    L'ensemble,
    ni plus beau ni plus laid qu'un appareil électroménager,
    décourageait la critique comme le désir,
    même le désir d'un homme d'esprit ouvert
    et toujours disposé à trouver en chaque femme des côtés plaisants.

    Et Georgette avait tout juste la quarantaine.
    « Le bel âge pour une femme !
    pensait Lethouar grinçant des dents.
    L'âge où l'épanouissement sensuel est enrichi par l'expérience.
    Voilà bien ma veine !
    Si celle-ci était potable je lui ferais l'amour,
    elle me ferait mon ménage
    – au pair, pour ainsi dire.
    Je ne paierais pas sa Sécurité sociale,
    je ne serais pas obligé de courir la gueuse,
    d'où une économie appréciable.
    Sans parler d'une amélioration de mon équilibre nerveux et affectif.
    C'est toujours mauvais pour un érotomane de manquer de femme. »

    Georgette revint de la cuisine.
    Elle avait troqué son manteau contre une blouse à pois rouges,
    et ses souliers contre des chaussons gris.



    L'éditeur n'a même pas été capable
    d'écrire correctement le pseudo de l'auteur
    qui le fait vivre...

    -+-

    Ça vous donne envie de lire la suite ?


    votre commentaire


  • Ça a débuté comme ça
    Voyage au bout de la nuit
    – L.-F. Céline –




    Comment braquer une banque sans perdre son dentier
    Catharina Ingelman-Sundberg


    La vieille dame empoigna son déambulateur,
    accrocha la canne à côté du panier
    en essayant de se donner un air déterminé.
    Être une bonne femme de 79 ans
    sur le point de commettre son premier hold-up,
    cela exigeait une certaine autorité.
    Elle se redressa,
    enfonça son chapeau sur son front
    et poussa la porte.
    Lentement,
    appuyée sur son déambulateur de la marque Carl-Oskar,
    elle entra dans la banque.
    C'était cinq minutes avant la fermeture,
    et trois clients attendaient leur tour.
    Le déambulateur grinçait un peu
    même si elle l'avait graissé avec de l'huile d'olive.
    Depuis qu'elle était entrée en collision frontale
    avec le chariot de ménage de la société de services,
    une des roues faisait des siennes.
    Mais, pour un tel jour, aucune importance.
    L'essentiel était que le déambulateur eût un grand panier
    pour y mettre beaucoup d'argent.





    -+-

    Ça vous donne envie de lire la suite ?





    2 commentaires


  • Ça a débuté comme ça
    Voyage au bout de la nuit
    – L.-F. Céline –

























    -+-

    Ça vous donne envie de lire la suite ?





    8 commentaires


  • Ça a débuté comme ça
    Voyage au bout de la nuit
    – L.-F. Céline –




    Samedi 14
    Jean-Bernard Pouy


    Ce putain de lumbago.

    Au réveil,
    faut déplier la carcasse avec précaution,
    en espérant que ça ne couine pas trop,
    en guettant les coups de poignard dans le bas du dos,
    et il faut mettre en pratique toute une stratégie ergonomique
    pour enfiler les chaussettes.
    Mais on tient le choc,
    car on pense au café brûlant qui va suivre,
    au long moment pendant lequel on va l'aspirer,
    les lèvres en cul de dinde,
    le regard perdu en direction de la petite fenêtre de bois bleu,
    vers les noisetiers immobiles,
    les bourdons bedonnants,
    coincés dans les fleurs de balsamine,
    et les roses trémières avec les merles qui cavalent dessous.

    Une journée se profile alors, une journée de plus.
    Hier, c'était soi-disant un jour béni.
    Mais rien n'est venu troubler ma verte retraite,
    en bien ou en mal, chance ou malchance,
    ça fait quatre ans maintenant que les jours ressemblent aux jours,
    que j'ai quitté la noirceur de ma vie d'avant.
    Je ne regrette rien car je l'ai bien mérité, ce repos de l'âme.
    C'est une décision intime.
    Un jour, le couvercle de la marmite a sauté.
    À peine cinquante balais,
    une petite bicoque prêtée
    par un pote définitivement parti pour les Îles se dorer la couenne
    et le RSA qui tombe aussi régulièrement que la pluie,
    bien suffisant à une survie de quasi-stylite.
    De temps en temps, je pense à mon vrai boulot,
    mais comme ma spécialité est le plomb,
    pas celui des dentistes, non, celui des imprimeurs,
    ce n'est donc pas souvent.

    Tout ce que j'ai ramené de mes années récentes,
    c'est ce foutu lumbago,
    qui réapparaît de temps en temps,
    comme pour me rappeler que rien n'est jamais simple,
    qu'on ne change pas forcément de vie comme ça, pichenette,
    et qu'il y a toujours des éventualités merdiques pour vous signaler qu'on vieillit,
    qu'on paye les fausses et absurdes énergies mises à faire avancer le monde coûte que coûte.

    Aujourd'hui sera encore une journée paisible.
    Un bon samedi 14.
    C'est-à-dire que dalle.
    La litanie des heures.
    Un peu de jardinage,
    quelques courses au bourg,
    les «Salut ça va ?», les «Tu crois qu'il va pleuvoir ?» avec les natifs,
    le journal et le pain de deux.
    Tous les deux jours, le bavardage-apéro avec mes vieux voisins.
    Elle, qui est née ici, perd peu à peu la boule
    et lui, anciennement polonais, il n'a plus de dos,
    comme ça je peux vérifier à peu de frais ce qui me pend au nez.
    J'écouterai aussi, une fois de plus, mes vieux CD,
    le rock & roll en zone rurale, y a que ça de vrai,
    ça fait longtemps que je n'entends plus la radio,
    la fébrilité des temps qui s'enfoncent inexorablement ne me concerne plus.

    Et après, une grande partie de la journée pour penser.
    Regretter.
    Et espérer.

    Toujours.





    -+-

    Ça vous donne envie de lire la suite ?





    4 commentaires